La mesure de la qualité environnementale. Impact environnementale des sens: méthodologie et critères d’évaluation.

XIV Rencontres Architecture Musique Ecologie
Martigny, 17-21 août 2011

Silvia Zambrini

Après vous avoir parlé de multiples fois de milieu et de pollution sonore, je vous parlerai des méthodes pour mesurer le paysage de la perception. Nous étudierons l’environnement des sens, en particulier ceux qui sont liés au bruit à travers la dimension de la qualité et pour cela nous pouvons nous considérer des pionniers, puisque les études sur le malaise acoustique continuent à se développer  essentiellement à travers sa quantification.
Le fait de ne pas considérer le bruit par rapport à ses contenus freine une recherche déjà lente en soi, par rapport aux autres études sur l’environnement. Il est facile de mesurer le bruit en dB, mais en réalité le paysage des sens est beaucoup plus riche de contenus, d’informations et de stimulations. C’est pourquoi, il faut savoir capter, distinguer et interpréter les différentes données recueillies.
Il y a des paramètres de mesure qu’en qualité d’experts, nous utilisons habituellement mais qui ne constituent pas encore une méthodologie officielle. Quand nous exposons notre travail nous exposons aussi les procédures adoptées pour arriver à certaines conclusions.
Comme tous les chercheurs, l’écologiste du son formule des théories, il cherche à les rendre opérationnelles à travers des observations acoustiques et des informations qu’il acquiert. Il suppose des liaisons entre variables et réfléchit sur la crédibilité des résultats. 
Comme tous les chercheurs, il observe le phénomène et il le décompose grâce à des indicateurs qui peuvent représenter le symptôme : l’accident d’auto causé par un état de distraction, certains comportements sociaux comme la surdité de celui qui n’entend pas parce qu’il est distrait par d’autres sons, ou les différentes pathologies reliées au bruit.
Dans le paysage multisensoriel actuel les indicateurs de dégradation urbaine sont nombreux. Ils concernent en partie les éléments induits artificiellement dans l’espace social, qui est potentiellement interactif, c’est-à-dire l’espace que l’on perçoit. Ce n’est pas un hasard si pour comprendre le degré de satisfaction des gens par rapport à ce qui les entoure, on utilise des indicateurs sociaux (comme la santé, le bien-être mental, la viabilité des endroits, etc.) en les résumant en index comme ceux de la qualité de vie, de la qualité urbaine, de l’habitabilité des lieux et du bien-être physique/mental.
Comme tous les scientifiques, l’écologiste du son crée des données qui résultent de l’observation (dans notre cas à travers l’écoute) et les insère dans une matrice de données définies par des chiffres ou des lettres ; les zones urbaines dans lesquelles il y a une grande concentration de gens, sont analysées selon la population, les horaires d’ouverture et de fermeture des locaux nocturnes.
– Grâce aux graphiques, il décrit les corrélations et les rapports qui s’instaurent entre les variables, à partir des hypothèses comme celle d’une augmentation du bruit dans les centres urbains, liée à l’expansion des activités tertiaires.
– Grâce à l’élaboration des statistiques officielles le chercheur tire des données qui ne sont pas directement décelables, comme celles sur la distraction causée par les technologies sonores.
– Grâce à des variables nominales, il construit des typologies dans lesquelles il décrit en détail des phénomènes comme l’écoute : critique, analytique, attentif, vertical, volontaire, passif.
– Grâce à la construction de taxonomies, il décrit les phases dans lesquelles les phénomènes se révèlent ainsi que l’érosion d’un espace neutre à travers les sons induits et les habillages commerciaux.
– Grâce aux informations ainsi obtenues, il accomplit une analyse comparée entre différentes villes et pays.
Le rôle professionnel du chercheur demande une approche sans jugement de valeur, éthique et objectif, qui ne soit pas influencé par ses habitudes et ses jugements. Cependant, il est très difficile que l’étude de ces disciplines soit totalement séparée des valeurs qui ont guidé, à l’origine, le chercheur dans le choix de la problématique.
Dans toute discipline, il peut y avoir une implication qui précède l’approfondissement. Par exemple, il est possible que le choix de faire des études de médecine soit induit par une expérience personnelle de la maladie. L’étude de l’environnement que l’on perçoit, implique dès le départ soit des opinions soit la dénonciation par rapport à un phénomène observé et à une dose de sensibilité qui dans ces cas est fondamentale.
L’écologiste du son connait les arts musicaux et plastiques, il lit beaucoup et pas seulement des essais, puisque le paysage des sens est comme un roman continu, dont la pensée de ceux qui l’ont décrit à travers la littérature, constitue un patrimoine indispensable. 
L’écologiste du son est beaucoup plus qu’un technicien parce que la prise de mesures du paysage des sens requiert culture et ouverture. Dans ces domaines de recherche, encore embryonnaire, la formulation des théories et la création de néologismes peut constituer une exigence qui nait souvent avec la recherche même. Cela s’opère au gré d’un cheminement semi-structuré, typique de la recherche qualitative à travers l’observation sur le champ. L’observateur de l’environnement est perpétuellement au travail du fait que l’écoute est toujours opérationnelle.
Cela lui permet d’acquérir des nombreuses occasions de réflexion. Mais pour que les théories formulées par l’observation empirique soient partageables, l’écologiste applique, au-delà des méthodes traditionnelles de recherche, des procédés de logique inductive et déductive à partir d’énoncés et de syllogismes.
Sortons, donc, de la fausse idée qui conçoit l’environnement multisensoriel comme fuyant et non explicable scientifiquement, et ceci par ce qu’il n’est pas directement quantifiable! 
Derrière les impressions sensorielles, il y a des méthodes bien précises, élaborées avec ou sans données chiffrées. Le problème est que ces techniques ne sont pas si facilement transposables et qu’en elles-mêmes, elles ne sont pas suffisantes. Cependant, il y aurait beaucoup des personnes capables de les acquérir puisque elles sont déjà dotées de capacités intellectuelles aptes à les appliquer. En effet, il est toujours fascinant de connaitre les mécanismes qui sous-tendent un phénomène et d’appréhender les méthodes de compréhension de la réalité acoustiques de l’environnement à travers la qualité du son.